C'est une idée soudaine de ma part. Si vous avez un peu de temps libre pour lire le premier chapitre de cette fic, dites-moi ce que vous en pensez^^
1. Une petite fin
Ce matin, je fus réveillé par une chaleur intense au front. Je pensais tout d’abord à de la fièvre, mais, en plein mois de juin, cela me paraissait peu probable. Prenant la peine d’ouvrir les yeux, je pris rapidement conscience que ce n’étaient que les rayons du soleil levant. En cette saison, la température pouvait monter très vite, et l’atmosphère devenait rapidement étouffante. Il était donc normal que je me sente aussi lourd.
Vainquant ma forte envie de rester allongé dans mon lit plus longtemps, je me levai, et allai tourner le verrou de la porte de ma chambre afin de m’habiller tranquillement. Je pris mes affaires d’école, et descendit les escaliers.
Alors, le temps se figea.
Je m’appelle Raoul, Raoul Scion, étudiant qui, j’en ai peur, n’a rien de particulier comparé à un autre. J’ai échoué dans ce corps au moment de ma naissance, et il y a des jours où je n’en suis pas mécontent.
Je manquais une marche, et basculait en avant. J’en profitais pour achever ma réflexion : ce jour-là, j’aurais bien aimé ne pas être né, ne serait-ce que pour ne pas souffrir de mal de tête carabiné comme ce jour-là. Ce fut encore à moitié endormi que ma mère m’accueilli dans la cuisine.
Je me servis un petit déjeuner, des tartines, principalement, bien que je ne me rappelle plus de ce qui se trouvait dessus à ce moment-là. Cela n’a pas vraiment d’importance. Finalement je me mis en route vers la gare. Il y avait des jours comme cela, où tout au réveil nous semblait pesant, et ce jour-là c’était encore pire. Il n’y avait pas un chant d’oiseau résonnant aux alentours. Eux aussi devaient avoir du mal à se réveiller. Les arbres ballotés par le vent perdaient de leurs feuilles alors que le printemps n’avait pas touché à sa fin. J’ignorais pourquoi, mais je ne me sentais vraiment pas tranquille ce matin-là. Je sentais que la journée allait être longue. Même le train, lorsqu’il s’arrêta devant moi, me parut peiner plus qu’à l’accoutumée. Il repartit dans un concert de couinements suraigus.
Je regardai les personnes autour de moi, mais constatai que chacune agissait comme si de rien n’était. Alors je me dis que, au fond, je ne faisais que me donner des illusions. Ma vie était ennuyeuse au point que mon esprit se sentait obligé d’interpréter n’importe quel phénomène inhabituel comme étant quelque chose d’important. Je constatais une fois de plus que, en ce monde, je n’étais qu’une victime des romans et des films.
Après tout, qui suis-je ? Étudiant, presque majeur, à quelques mois de son entrée en faculté de lettres. J’aime beaucoup les branches comme la psychologie, mais je suis content d’y aller, car Lucy y va également. J’aime beaucoup cette fille. Je n’ai aucune idée de si je devrais tenter ma chance avec elle, mais puisque je me sens bien quand je suis avec elle, autant rester avec elle le plus possible. J’achevai ma réflexion en me disant que les trains un lieu fort approprié pour un entretient avec soi-même.
Je décidai de me changer les idées et d’oublier ma fatigue. Des personnes autour de moi lisaient des journaux gratuits. Quels étaient les titres aujourd’hui ? Il était visiblement question d’une personnalité connue, dont je serais bien incapable d’associer le nom à la photo, qui aurait fait un voyage je ne sais trop où. Je ne comprenais pas l’intérêt de tels articles. Voulaient-ils conseiller au lecteur de faire le même voyage, parce qu’une célébrité l’avait fait ? Pourquoi pas, c’était un point de vue.
Je descendis du wagon, et fus bientôt rejoins par Alex. C’est un type plutôt sympa. Cela fait déjà plusieurs années que je me suis lié d’amitié avec lui. Il faut dire qu’il est bien plus sociable que moi, mais il apprécie tout autant la solitude, et c’est pourquoi je m’en sens proche. Il va commencer des études en droit, mais j’espère qu’on pourra continuer à se fréquenter une fois à l’université. Curieux d’avoir son avis, j’engageais la conversation sur l’atmosphère de ce jour-là.
-Dis, tu trouves pas que le temps est super lourd depuis ce matin ? On risque d’avoir un gros orage bientôt.
-Ah bon ? J’avais pas remarqué, mais faut dire qu’avec tout ce que j’ai bu hier soir, je me sens un peu comme d’habitude ces matins-là.
Nous arrivâmes dans la cour du lycée. Je proposais d’attendre le début des cours à l’extérieur, espérant que l’air m’aiderait à me réveiller. Alex ne fut pas contre cette proposition. D’autres amis nous rejoignirent bientôt : Pierre, le matheux, Vincent et sa copine, Julie, Eva, toujours joyeuse… Lucy.
La cloche sonna, et nous nous rendîmes en cours. Je ne sais plus de quel cours il s’agissait, toujours est-il que je me sentais trop fatigué pour me concentrer. J’envisageais un instant de demander à me rendre à l’infirmerie, mais une autre élève me prit de vitesse et demanda à y aller, et je ne voulus pas avoir l’air de quelqu’un profitant de la requête d’un autre pour quitter un cours. Aussi je restais en classe toute la durée du cours, qui fut autant de temps durant lequel je n’appris rien, et parvenait tout juste à soulever mon stylo pour prendre des notes. D’autant que je me souvienne, l’enseignant avait lui aussi du mal à utiliser ses craies, et les lâchait souvent, ce qui n’améliorait en rien la qualité de son cours.
Quand enfin sonna l’heure de la pause, je me levai avec difficulté pour me rendre aux toilettes, espérant que mon état s’améliorerait par la suite. Alex m’accompagna. Nous sortîmes dans le couloir, et, à peine avions-nous fait quelques pas, qu’il vacilla et tomba à la renverse. Je tâchais de le rattraper, mais ne pu qu’amortir sa chute. Je n’avais pas remarqué qu’il puisse être aussi lourd.
Regardant par la fenêtre, je m’aperçu que les branches des arbres, qui ordinairement pointaient fièrement vers le haut en cette saison, pendaient mollement en direction du sol. Les hirondelles marchaient sur le sol pour se déplacer, l’orage allait-il être si fort que ça ? J’avais l’impression que même les nuages avaient perdu en altitude.
-C’est space, hein ? C’est la première fois que je vois un truc pareil.
Mes camarades avaient fait les mêmes constatations. Je fus donc soulagé de savoir que ce n’était pas qu’un effet de mon imagination. Nous demandâmes à l’enseignante ce qu’elle pensait de tout ceci. Pour elle aussi, c’était la première fois que cela arrivait. Personne n’avait encore jamais entendu parler d’un tel phénomène.
-Quoi qu’il en soit, ajouta-t-elle après nous avoir répondu, il n’y a pas d’inquiétude à avoir. Il se produit des phénomènes similaires dans le cas des séismes. Ils sont très fréquents, mais il n’y a qu’une infime partie d’entre eux qui sont assez intenses pour que nous puissions les percevoir. Il y a aussi de nombreux jours où on se sent plus lourd qu’à l’ordinaire, et aujourd’hui, le phénomène est plus violent qu’à l’accoutumée.
Deux pigeons commencèrent à se battre sur le rebord de la fenêtre. L’un d’eux fut contraint de le quitter et d’aller trouver une place ailleurs. Ils étaient nerveux, tout comme moi.
A partir de la fin de la matinée, petit à petit, la sensation de pesanteur s’estompa. Je me sentis soulagé de pouvoir à nouveau respirer et marcher normalement. Mes amis agirent comme si rien ne s’était passé. Ce fut à peine s’ils s’étaient rendus compte d’un changement. Je compris alors que cela n’avait été qu’un coup de fatigue lié à la canicule. Il allait très certainement y avoir de l’orage ce soir-là, mais je fus soulagé d’avoir résolu le mystère.
Vers midi, nous allâmes à la cantine y prendre notre repas. J’étais content, comme lorsqu’on vient de finir un travail écrit : on sait que le pire est derrière nous, et on aime la vie d’autant plus. J’étais content d’aller bien.
Le repas était bon, même pour une cantine de lycée. Lucy vint vers moi peu avant la reprise des cours.
-Samedi prochain, je fête mon anniversaire, ça te dirait de venir ?
Ravi de cette idée, j’acceptais avec enthousiasme, me réjouissant d’avance, sans trop savoir pourquoi. J’avais simplement un drôle de frisson dans le ventre, comme si cette fête cachait quelque chose qui en ôterait la saveur, était-ce le fait de savoir cette fille toute proche de moi, mais inaccessible ? Probablement.
L’après-midi se passa sans incident. Je prenais des notes, enthousiaste, tout en regardant le ciel d’un bleu immaculé au travers de la fenêtre. Lorsque la journée de cours fut terminée, ce fut d’un ton plein d’énergie que je dis au revoir à mes amis, et couru vers la gare. Le train n’était plus le tas de ferraille en peine que j’avais vu le matin, il me semblait même que lui aussi semblait plus enthousiaste à conduire ses passagers à leurs destinations.
Sur la route menant chez moi, je constatais que les oiseaux n’avaient pas eu l’air de se calmer, mais qu’ils volaient maintenant, comme ils l’avaient toujours fait. Le pincement au ventre ne s’était toujours pas calmé cependant, et je me sentais toujours harcelé par un sentiment des plus incompréhensibles pour une journée ordinaire comme celle-ci.
Comprenant là que j’avais besoin de repos, je décidai de prendre un raccourci jusque chez moi, à travers un verger. Je le traversais et constata avec satisfaction que leurs branches pointaient vers le haut, comme d’habitude.
J’arrivai au niveau de la barrière qui en délimitait l’enceinte, et lâchait mes affaires de l’autre côté. Elles tombèrent après un moment qui me parut assez lent. Je me hissais à mon tour sur la barrière, et m’élançais avec énergie de l’autre côté. Je me vis bondir à une hauteur d’approximativement trois mètres, au point que j’eus le vertige en regardant en dessous de moi. Je fermai les yeux, me préparant à une réception difficile. Mais j’atterris en douceur, comme si ma hauteur de chute n’avait guère mesuré plus de cinquante centimètres.
Étonné, je ramassai mes affaires et poursuivis prudemment ma route jusqu’à chez moi. Je tentai quelques sauts, et constatai à chaque fois que je montais bien plus haut que je ne l’aurais du.
Quelque chose ne tournait pas rond ce jour-là.
J’entrai chez moi en ayant l’impression de rêver. Ma mère m’accueillit avec un grand sourire.
-Alors, passé une bonne journée ?
-Oui, très bonne, merci.
-Je m’absente quelques heures. Quand il rentrera, tu pourras dire à ton père de jeter un œil à la balance ? Elle m’a parue complètement déréglée.
-J’y penserai.
Je montai dans ma chambre en courant. Quel que fût le phénomène qui se produisait en ce moment, j’avais l’intention d’en profiter le plus possible. Le parquet était particulièrement glissant, et je tombai à la renverse, sans vraiment me faire mal. J’attrapai divers projectiles à ma portée, et les lançai au dessus de moi, m’émerveillant en les voyant tomber bien plus lentement qu’ils ne l’auraient du. C’était bien réel, mais surtout inquiétant.
Je me connectai à internet pour essayer d’en savoir plus à ce sujet. Apparemment ce n’était pas un phénomène isolé. Il se produisait un peu partout dans le monde.
Une heure passa, puis deux, et j’avais l’impression d’être allongé dans une baignoire en train de se vider : à mesure que le niveau de l’eau baisse, sa portance diminue, et on retrouve son poids normal. Je retentais de sauter, et arrivai à une hauteur dont j’avais l’habitude. J’étais soulagé, tout était redevenu normal. Bien sûr, mes sauts ne paraissaient plus aussi beau, comme lorsque l’on descend d’un trampoline et qu’on est déçus de ne plus pouvoir monter aussi haut.
Le soulagement et l’excitation passée me plongèrent dans un état de paresse profonde, et je passai mon après-midi devant l’ordinateur, un livre à portée de main. Vers dix-neuf heures, j’entendis appeler à table. Je me levai avec peine, et marchai jusqu’aux escaliers. A peine eu-je posé un pied sur la première marche que ma jambe ne supporta pas mon poids, et je du me rattraper de justesse à la barrière. Je fus pris d’un frisson.
« Non ! Ça recommence. »
Personne ne mangea beaucoup ce soir-là. Après le repas, nous nous affalâmes sur le canapé pour regarder les informations. En Floride, le lancement d’un satellite avait rencontré un incident : probablement un défaut dans la distribution du carburant qui avait réduit la puissance du moteur, qui n’aurait alors plus été capable de fournir une poussée suffisante. Afin d’éviter tout risque, l’autodestruction du lanceur avait été recommandée. En orient, un important barrage avait brusquement rompu, inondant toute une vallée. Le service civil affirmait que c’était du à une mauvaise gestion de l’entretient, et que des précautions allaient être prises pour d’autres barrages afin que ce genre d’incident ne se reproduise plus sans un minimum de contrôle.
J’allai me coucher, sans avoir l’esprit vraiment tranquille, et dormi d’une traite jusqu’à ce que mon réveil vienne mettre fin à ce sommeil réparateur. Tout semblait alors être normal, mais j’avais l’intuition qu’il ne fallait pas s’y fier. Je menai ma vie de tous les jours, sans que ne soit parti ce pincement au cœur qui agissait en moi comme une sonnette d’alarme. Ce jour-là était un mercredi, c’était un jour où les cours commençaient plus tard pour notre classe. Je ne pus donc voir mes amis avant qu’ils ne commencent.
Le début de matinée se déroula sans encombre, mais, dès que la pause fut arrivée, nous décidâmes d’aller chercher un journal. D’ordinaire, les événements du monde extérieurs nous intéressaient peu, mes amis et moi, mais à présent que ces événements nous concernaient directement, nous nous sentions d’autant plus excités à l’idée d’en savoir plus.
Nous apprîmes donc que tous les vols étaient suspendus jusqu’à nouvel ordre depuis que plusieurs avions s’étaient écrasés juste après le décollage. La nuit précédente, une activité sismique et volcanique anormalement élevée avait été enregistrée un peu partout. Page suivante, avis aux randonneurs concernant les balades en montagne : prudence, car plusieurs disparitions avaient été signalées entre hier et aujourd’hui suite à des avalanches et à des glissements de terrain. Rubrique sport : le record de saut en hauteur battu haut la main, mais ce record attendait encore d’être officialisé.
À la pause suivante, je remarquai que le monde autour de moi semblait à nouveau léger, comme la veille. J’incitai alors mes amis à me suivre à l’extérieur, et jaugeait le balcon du premier étage.
-Record de saut en hauteur, tu parles. On va faire une petite expérience.
Je pris mon élan et m’élançai soudainement vers le balcon. Un effort deux fois moindre aurait suffi à me faire atteindre mon objectif. Je heurtai le mur situé au dessus, et atterrit en douceur sur le balcon.
Bientôt, tous les témoins de mon exploit s’aperçurent que leur sensation de légèreté ne relevait pas que de l’illusion. Les plus courageux essayaient de juger la hauteur qu’ils pouvaient à présent atteindre, tandis que d’autres, moins confiants, tâchaient de s’accrocher aux supports qui leur tombaient sous la main. Pour ma part, je descendis du balcon par où j’y étais monté.
-Franchement, fit Alex, j’avouerai que c’est flippant.