La Table Ronde de Nyon et environs
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 Venus d'ailleurs

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Ned Green

Ned Green


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MessageSujet: Venus d'ailleurs   Venus d'ailleurs EmptyMar 4 Mai - 0:11

[Tadaaa, une nouvelle fiction improvisée par un de vos écrivains favoris. Bon je ne sais pas ce que ça vaut, mais je me suis fait plaisir. Je vous met le premier chapitre. Oui, il est un peu long, comme d'habitude, pour plonger le lecteur dans l'histoire. Espérons que vous l'apprécierez.]

Venus d'ailleurs


1.Rien de méchant

La lumière se faisait de plus en plus faible, à mesure que le soleil s’approchait de l’horizon. Le feuillage intensifiait cet effet. On n’y voyait pas à plus de quelques mètres devant soi. Elle pouvait s’en rendre compte en comparant son champ de vue avec celui de la clairière qu’elle venait de quitter. Bien que l’obscurité ait inspiré aux hommes de la peur depuis la nuit des temps, elle pouvait parfois se montrer naturellement utile, voire protectrice face à des dangers qui la craignaient encore plus.
A vrai dire, c’était la même chose que cette personne pouvait ressentir pour son prof de math, à une autre échelle.
Le bois lui paraissait si calme, c’était comme dans un rêve. Et pourtant, elle courrait. Elle n’avait pas vraiment le temps de dormir.

Comme souvent, les difficultés étaient innombrables. Il lui fallait se frayer un chemin au détriment des feuilles de houx, des racines cachées sous les feuilles mortes, et de la poudre blanche qui lui était resté coincée en travers de la gorge, et avec laquelle elle manquait de s’étouffer. Le goût de fumée et la bière qui ballotait dans son ventre lui firent remarquer qu’elle n’était pas disposée à demander quoi que ce soit à ses muscles. Mais voilà qu’elle manqua de percuter une branche de houx. Après s’être rapidement excusée, elle poursuivit sa course du mieux qu’elle pu. Les autres demeuraient disparus. En courant obstinément tout droit, elle était consciente qu’elle aurait du mal à les retrouver, mais ce n’était pas son objectif immédiat.

Tout avait commencé lorsqu’ils avaient rencontré cet homme. Oui, celui-là même auquel vous pourriez penser si l’auteur vous en avait dit un peu plus. Mais comme ils auraient pu rencontrer mille hommes différents, lui-même n’était pas sûr de savoir exactement quel homme ils auraient bien pu rencontrer. En fait, trois candidats s’étaient présentés sur sa liste :

Le premier d’entre eux s’appelait Jean-Robert. Quarante-sept ans, un mètre septante-six, cheveux blond platine, yeux brun-gris, conformément à ce qu’affirmaient ses papiers d’identité. De ses journées, Jean-Robert était un sympathique fonctionnaire qui n’avait rien à se reprocher, mis-à-part le fait d’enseigner l’Anglais dans un collège du pays de Galles. Cet homme était rendu intéressant par l’habitude qu’il avait prit, la nuit tombée, de s’aventurer hors de chez lui pour s’introduire par effraction chez les honnêtes citoyens. D’après les rumeurs du voisinage, il aurait prit pour habitude de prélever le sang des dormeurs, que ce soit pour le boire ou pour le revendre au marché noir. Cette figure, digne d’un Bram Stoker contemporain, aurait pu inspirer bien des œuvres, mais pas celle-ci. En effet, le jour qui aurait pu être propice à son apparition, Monsieur Jean-Robert s’était vu contraint de rester au pays de Galles, le trafic aérien ayant été interrompu par le nuage de cendres issu de l’éruption d’un volcan au nom imprononçable, dans le sud de l’Islande.

Le second candidat, Jake, vivait bien plus près de nos héros, et n’avait pas à faire face à de tels imprévus. Agé de vingt-neuf ans, c’était un homme aux multiples facettes : tantôt bleu, tantôt blanc, tantôt grand ou petit, assis ou debout, endormi ou réveillé, il était rarement le même. On pouvait toutefois le reconnaître à son imposante moustache, digne des grands acteurs pakistanais, disait-on. Mais ne nous éloignons pas du sujet.
Toujours fut-il qu’une personnalité aussi intéressante aurait facilement interpellé les personnages principaux, et ce tout en gardant un voile de mystère qui lui aurait permis de surprendre ses interlocuteurs à tout moment. Malheureusement, l’auteur fut le premier à être surprit en apprenant que Jake s’appelait en réalité Jacqueline, et appartenait à la gent féminine. Ainsi, l’histoire ne pu la garder, car le scénario avait été formel : c’était un homme qu’ils devaient rencontrer, et on ne plaisante pas avec ce qui a déjà été écrit. En effet, jusque là, il avait été observé que les femmes n’étaient bonnes qu’à courir bêtement dans la forêt sans qu’on sache pourquoi.

Le troisième candidat pu finalement être déniché, et fit parfaitement l’affaire dans l’introduction d’un récit aussi mouvementé que celui qui se prépare en ce moment-même, sous vos pieds. Ce personnage répondait au nom de Clément. Vingt-quatre ans, de taille moyenne, mince, cheveux courts et yeux bleus. Il portait une marque de naissance dans le dos, que personne ne remarquait jamais. Il aimait les manifestations brillantes, telles la pleine lune ou la lumière du jour, mais aussi les phares des voitures de police qu’il s’amusait à éviter lorsque les représentants de l’ordre décidaient d’organiser une descente. Bien que ces évènements dataient de quelques années déjà, il aimait à se les rappeler en sirotant un verre d’un liquide d’importation à l’aspect étrange.
Depuis que Clément s’était installé au marché noir, il pouvait pratiquer sa vocation sans se soucier des petites contraintes qu’elles pouvaient lui imposer ailleurs. Il aimait à aborder des passants pour leur proposer ses marchandises exotiques à des prix d’amis. Les autorités de la rue lui avaient en plus trouvé un coin sympathique en dessous d’une affiche publicitaire. « Tu pourras rester là », lui avait-on dit, « jusqu’à ce que les flics décident de remettre Bill en fonction. A ce moment-là tu lui rendras sa place. »

Ainsi, le fameux soir où tout avait commencé, Clément se tenait là, à ce qu’il appelait volontiers son guichet. Il rencontrait pour la première fois l’un de nos héros favoris. La silhouette sombre s’était approchée de lui en titubant sur le pavé. Après un rapide coup d’œil, il pu y voir le type de client qu’il appréciait : celui qui ne savait pas très bien pourquoi il était là, mais qui était incapable de s’imaginer ailleurs.

-Hey ! Lui avait lancé l’arrivant sur un air convivial.
-Combien t’en veux ? Avait-il répondu sur un ton tout aussi convivial, mais en même temps plus professionnel.
-Euh…
-Laisse tomber, j’ai oublié de te demander de quoi tu voulais qu’on parle.
-Ben je dois aller en forêt demain pour faire la fête… et la forêt c’est tout vert… Le vert c’est nul, je me suis dit qu’il nous faudrait quelque chose de blanc pour bien l’accompagner, ou une jolie fumée noire, ça serait joli.

L’affaire fut conclue en trente secondes, qu’il serait inutile de rapporter ici. Clément retourna alors à ses occupations, tandis que le client, son état d’ébriété en poche et essayant de dissimuler ses achats, s’en allait chez lui. Mais même s’il semblait se réjouir de la fête du lendemain, il ne pensait absolument pas aux imprévus qui y surviendraient, et un malheureux lecteur inattentif aurait pu décider de l’accompagner sans prendre de précautions, et négligeant les risques d’une telle initiative.
En effet, souvenez-vous de ce qui arriva aux lecteurs du Fameux livre (celui avec les dragons), dont l’adaptation sur écran avait attiré la convoitise de milliers d’entre eux : une fois dans la salle, ils se retrouvèrent piégés par une abomination cinématographique hors norme, qui les plongea dans le désespoir et dans la douleur des heures durant, tout en les forçant à afficher un sourire narquois à la vue d’une telle manifestation d’ébriété de la part d’un réalisateur décidément trop mauvais.
Et si dans de telles circonstances, des imprévus peuvent être dangereux, imaginez ce qu’ils pourraient donner si des lecteurs insouciants se rassemblaient, mais en remplaçant la salle de cinéma par une forêt isolée, et les sympathiques spectateurs/vendeurs de pop-corn par de cruels étudiants avides de débauche et de chaos. Non, croyez-en votre auteur : restez bien sagement devant cet alignement de caractères aussi insensé qu’abrutissant. On ne sait jamais ce qui peut arriver, à l’extérieur…

Mais revenons-en à notre personnage d’introduction. Comme n’importe quel lecteur semble l’avoir comprit : elle courait toujours, mais n’allait nulle part. Enfin, elle savait seulement où elle ne voulait pas aller : là d’où elle venait. La forêt était si calme, elle se demandait bien pourquoi elle continuait dans cette direction. Mais Ils n’étaient jamais loin, et la priorité était de s’éloigner de cet endroit au plus vite, peu importe comment ou pourquoi.
Le calme de la forêt disparu soudain. Aucun oiseau n’avait recommencé à chanter, et Adam n’avait pas remis sa chaîne stéréo en marche non plus. Mais qu’était-ce donc, alors, qui troublait la sérénité de cet environnement ? Elle ne le savait que trop bien, et elle l’ignorait en même temps.

Le ciel s’assombrit au-dessus de sa tête. Elle enjamba un rocher tout en continuant à courir aussi vite que ses jambes pouvaient la porter. Un bruissement se fit entendre venant de la cime des arbres, qui s’accentua alors qu’une forte brise semblait les agiter. Bientôt, ce bruissement fut couvert par un bruit métallique et sourd. Celui-là, elle le connaissait déjà un peu.
Soudain, alors que nous suivions la course de la jeune femme avec une telle attention que l’auteur avait déjà commencé à prendre les paris, ce fut le moment qu’elle choisit pour tomber en avant. Peut-être avait-elle trébuché sur une racine qui avait été placée là par hasard. C’était peut-être du à une force invisible et liée à tout ce qui se passait autour d’elle. Ou alors elle aurait pu tomber sous le coup de l’essoufflement, tout simplement. Cette question-là reste un mystère.

A peine eut-elle le temps de se rendre compte de sa situation, que des contacts froids et désagréables se firent sentir contre ses poignets et ses chevilles. Elle se sentit tirée vers le haut, sans avoir pu se relever. Des feuilles lui passèrent à côté de la tête alors qu’elle montait. Bientôt, elle atteignit la cime des arbres. Mais au lieu de la vue panoramique à laquelle elle s’attendait, qui aurait été digne de tout bon restaurant que les Japonais s’emploient à prendre d’assaut, elle ne vit qu’un ciel aux murs sombres, avant que le sol ne se referme sous ses pieds et la plonge dans l’obscurité.

Attendez un instant… tiens, une remarque de l’auteur signale qu’il y a des chances que vous vous soyez perdu à cet endroit du récit. Si effectivement vous avez les yeux exorbités, les dents serrées, les mains tremblantes et la bave aux lèvres (pour certains cas seulement), il se peut que vous n’ayez pas tout comprit à ce qui précède, accordons-le. Ainsi, pour mieux comprendre ce qui se passe autour de vous, quelques précisions s’imposent.

Dix-huit ans n’est pas un âge facile à vivre, vous en conviendrez : non seulement l’état vous harcèle avec des histoires de droit de vote et de code pénal, mais en plus il arrive que vos parents soient tellement fiers de leur enfant qu’ils en arrivent à le couvrir d’amour malgré son âge, à un point tel qu’il pourrait en étouffer. Dans d’autres cas, à l’opposé, ils en viennent à le considérer soudainement comme un adulte, et de prendre ce prétexte pour lui confier toutes les responsabilités dont eux-mêmes voulaient se débarrasser depuis des années. Mais au fond, leur enfant n’a pas changé. Il continue de grandir à la même vitesse que d’habitude, et de réclamer toujours le juste milieu entre amour et autonomie.
Entre jeunes surprotégés et jeunes parachutés en plein désert, on aurait pu penser que l’écart des conditions de vie empêcherait toute communication. Cependant, avec les années, les deux groupes pouvaient parfois se compléter, si bien qu’il devenait possible aux frustrés de survivre quelques années après leur majorité, en franchissant cette étape difficile de leur vie. C’était le cas de Théodore, vingt-et-un an, et de ses amis du même âge. En vérité, il les méprisait tellement que leur relation n’était plus animée que par un instinct de survie. Ils avaient un humour gras, pouvaient se montrer violents, et fuyaient les questions philosophiques comme une glycine fuirait un sécateur.

Le seul intérêt que trouvait Théodore à côtoyer ces gens-là, c’était le fait de pouvoir s’évader de sa prison parentale environ une fois par semaine, de s’isoler et de pouvoir rire de la déchéance du monde. Ses parents lui prêtaient une voiture avec moult avertissement, et il montait tout le monde, ceux qui en échange lui fournissaient les substances nécessaires à oublier temporairement la réalité. Ainsi, chacun était indispensable pour les autres.

Morgane Schwartz avait toujours eu la réputation d’avoir une case en moins, que ce soit du point de vue de sa famille ou de ses amis. Et pourtant, il ne s’agissait pas d’une agitation naturelle de perverse immature dont faisaient preuve beaucoup de filles en fin d’adolescence, ce n’était pas de la distraction, et encore moins l’effet de la drogue. Mais alors en quoi était-elle différente ? Simplement comme ça. C’était dans sa nature de ne pas agir comme les autres. Le plus souvent, elle agissait inconsciemment : lucide lorsqu’elle n’aurait pas du l’être, ou en forme lorsque tout le monde autour d’elle mourrait de fatigue, tandis que le reste du temps, elle se montrait irréfléchie et était capable d’accepter n’importe quoi.
C’était la seule explication que Théodore avait trouvé à sa présence durant la soirée. En plus d’être dénuée de raison (qualité qu’il appréciait beaucoup), elle semblait fort jolie, et posséder un goût certain pour la philosophie. C’était une personne avec laquelle il prendrait plaisir à partager la bière, la fumée et la poudre. Encore fallait-il que les trois autres les laissent tranquille.

Simon, Adam et Jérémy, déçus par le fait qu’ils n’aient pu ramener qu’une seule fille à cette petite fête, n’allaient pas manquer de lui faire des avances, empiéter sur le terrain de Théodore, et rendre cette soirée difficile comme ils savaient si bien le faire. Au fond d’eux, ils n’étaient pas méchants, ni intolérants, juste un peu stupides et irréfléchis. La haine que Théodore nourrissait à leur égard s’était développée progressivement, sans qu’il ne pût rien y faire. Il en avait conclu que c’était dans l’ordre des choses, et qu’il devrait vivre avec. Avec du recul, il n’avait même aucun problème à attribuer à chacun son animal fraternel, à savoir : le caribou, la moule et le martin-pêcheur, sans savoir pourquoi. C’était sûrement une forme d’amitié, au fond…

Tout avait bien commencé. On avait mis de la musique, et les conversations allaient bon train, et perdaient de leur cohérence à mesure que les stocks de consommables diminuaient. D’abord bien parti sur les différents modes de reproduction des batraciens locaux, le sujet principal avait doucement dérivé sur des histoires de lumières dans les frigos. Et personne, pas même Théodore, ne paru se rendre compte que ce sujet avait perdu de sa consistance. Mais les trois phénomènes zoologiques se montraient corrects envers Morgane et ne lui faisaient pas d’avances trop poussées, ce qui était agréable de leur part.

-Tu sais, lui avait dit Morgane sur un ton de confidence. Parfois j’ai l’impression d’entendre des voix dans ma tête.
-Ah oui ? Lui répondit Théodore pour l’encourager à continuer. Qu’est-ce qu’elles te disent ?
-Elles me disent qu’elles vont bientôt être là. Mais c’est juste con, les voix ne viennent jamais, d’habitude.
-Ça dépend de qui elles proviennent, fit l’étudiant avec sagesse. Peut-être qu’un jour tu les verras venir.
-Ben moi j’ai jamais entendu de voix dans ma tête, et j’en suis content, coupa Adam, qui venait d’éteindre la musique.

La remarque irrita particulièrement Théodore. C’était une habitude chez Adam de placer des remarques de ce genre. Non seulement elles étaient lâchées sans précautions et sans rien apporter à la conversation, mais en plus elles avaient pour seul but de faire parler de lui. Pour remettre l’importun à sa place, l’étudiant lui aurait bien énoncé les principes de la thermodynamique à la figure, mais il ne s’en rappelait plus, et n’était pas sûr que ces arguments lui auraient été utiles dans cette situation précise. Ses idées n’étaient décidément plus très claires.

Un grand bruit résonna loin au-dessus d’eux. Pendant un moment, ils eurent l’impression que l’on agitait des feuilles format A2 à quelques centimètres de leurs oreilles, environ toutes les secondes. Le bruit s’intensifia de façon régulière pour devenir assourdissant, et sonner de façon plus métallique.
Le soleil n’était pas encore couché. Ils purent ainsi percevoir l’énorme masse qui se tenait au-dessus de leur tête, pratiquement immobile.
Aucun d’entre eux ne prit la peine de réfléchir : ils étaient au bord d’un lac à découvert, et devant pareille menace, la forêt offrait une meilleure protection. Leur instinct de survie franchit le nuage de brouillard les séparant de la réalité, prit le contrôle de leurs jambes, et les incita à s’en aller au plus vite.

Morgane se mit à courir dans une direction aléatoire, et, comme vous le savez, l’histoire pu commencer ainsi.


[Comme vous avez pu le constater, je me concentre sur l'humour, mais je compte y joindre un peu de philosophie et de toucher à tous les genres. On y trouve pas mal de drogue.
Voilà, je ne vois pas qu'en dire de plus^^]
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Ned Green

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MessageSujet: Re: Venus d'ailleurs   Venus d'ailleurs EmptyDim 16 Mai - 20:01

2.Mais pourquoi penser ?

Certains chercheurs aiment à comparer le cerveau humain à un ordinateur. Leurs modes de fonctionnement ne sont pas très différents l’un de l’autre, si bien que depuis peu, les interactions entre les neurones font l’objet de modélisations de plus en plus précises.
Toutefois on observe une différence notable entre cerveau humain et ordinateur humain en termes de rapport performance/consommation : considérez une machine. Elle consommera autant que n’importe quelle machine (à savoir beaucoup). A présent si vous en preniez mille et que vous les branchiez entre elles, vous vous retrouveriez avec une grosse machine pour le prix d’un millier de petites.
A présent, considérez un neurone. Un simple petit neurone avec ses synapses, dont la consommation d’énergie est proche de zéro. A présent reliez cent milliards d’entre eux, et vous vous retrouverez avec une ampoule à incandescence de quarante watts avec adaptateur. (Vous savez ? Celle qui s’allume lorsque vous avez une idée.)

Tout cela nous laisse penser que, après des années d’évolution en matière d’éclairage, le concept de pouvoir relier entre elles une série de ces merveilles pour illuminer les villes a fait son chemin. D’après certains érudits, cela pourrait donner accès à un niveau de conscience parallèle, potentiellement capable d’ouvrir la voie à de nouvelles visions de l’univers ampoulesques, peut-être même à des visions du futur. Un autre état de conscience pourrait amener les esprits à reconsidérer la notion d’impossible, et, peut-être, de découvrir la véritable nature de phénomènes incompris sur un plan matériel ou dits paranormaux, tels que la détection de l’aura, les calendriers maya, et les publicités que diffuse Mtv.

Morgane pensa que les grosses masses métalliques venues du ciel qui vous happent devaient en faire partie.
Alors qu’elle était assise dos au mur, immobile, elle se jura de ne plus jamais toucher à la drogue, et de ne plus écouter sa grande sœur la prochaine fois qu’elle lui recommanderait de passer la soirée au milieu de nulle part en compagnie de « gens charmants ». Rien que le fait d’être la seule fille présente l’avait mise mal à l’aise au milieu de ces inconnus. Seul Théodore avait semblé d’un niveau intellectuel assez élevé à son goût. Au moins ils avaient pu avoir une vraie conversation, et il ne lui avait pas jeté les mêmes regards béats de singe en rut que les autres. Sur le moment, elle ne regrettait pas du tout d’avoir cédé à la panique et de s’être enfuie dans les bois. Si elle n’avait pu échapper à ce tas d’acier volant, au moins elle avait pu échapper aux trois autres abrutis.
Après cette pensée, elle du admettre qu’elle n’avait pas encore vraiment retrouvé ses esprits. Curieusement, l’idée d’être en ce moment-même dans un lieu dont elle ne connaissait rien et de ne pas pouvoir en sortir ne lui faisait ni chaud ni froid. Les mésaventures les plus horribles qu’on puisse imaginer auraient pu lui arriver, mais sur le moment elle n’en avait rien eu à faire. Tout cela lui semblait bien trop irréel. Cependant elle se douta que son état d’esprit n’allait pas durer longtemps.

Elle se trouvait dans une pièce aux parois métalliques, nues et immaculées, faiblement éclairée par une lumière rouge venant du plafond. Sa surface devait être assez petite, mais Morgane avait du mal à l’estimer, car les murs ondulaient encore sans cesse malgré les demandes qu’elle leur adressait à voix basse pour qu’elles restent immobiles. Son mal de tête naissant n’arrangeait pas les choses.
Elle essaya de bouger les mains, mais n’y parvint pas. Des contacts froids lui retenaient les poignets, comme lorsqu’elle était tombée dans la forêt, durant sa course. Elle pouvait en sentir de semblables sur ses chevilles, à travers son jean.

Pour être sûre qu’elle était réellement attachée et que ce n’était pas un effet de son imagination, elle respira un grand coup et tenta une nouvelle fois de bouger son bras droit. Elle y parvint finalement, et pu mettre sa main dans son champ de vision, pour observer qu’un épais anneau métallique était attaché à son poignet. Il semblait étrangement léger pour sa taille, et n’était relié à aucune chaîne ou corde qui aurait pu le retenir. Le long de sa surface étaient fixés de petits cylindres plats dont elle ne comprenait pas l’utilité. Après observation, Morgane vit trois anneaux semblables autour de ses autres membres. Elle se doutait qu’elle planait encore et espéra que toute cette histoire n’allait pas durer. Il fallait qu’elle rentre chez elle dans un état à peu près convenable le lendemain.

Toutefois, n’ayant rien à faire, elle examina avec curiosité l’anneau autour de son poignet droit. Entretemps, elle avait réussi à bouger son bras gauche et s’en servi pour tapoter ledit bracelet. La réaction fut immédiate. L'objet paru s'animer. L'anneau s'ouvrit et se détacha du poignet de Morgane. Seulement, au lieu de choir au sol comme le faisaient généralement les anneaux qu'elle connaissait, il resta suspendu en l'air et vola jusque devant ses yeux. Ses cylindres émettaient un léger vrombissement de façon continue. Deux petites trappes s'ouvrirent, chacune entre deux cylindres, et de chacune sortit un bras d'environ deux centimètres surmonté d'une lentille brillante évoquant une caméra. La réaction de la jeune femme fut immédiate:

-AAAAAAH! Il y a un fantôme dans la machine!

Comme réaction à son cri, les trois autres anneaux s'animèrent à leur tour et vinrent se placer autour de sa tête. Chacun était équipé d'une paire d'antennes surmontées de caméras. Ne sachant quelles étaient les intentions de ces choses, Morgane resta immobile. L'un des anneaux s'approcha de sa tête, lentement. Ses antennes s'écartèrent l'une de l'autre, ce qui avait le don de lui donner l’air étonné alors qu’il observait la jeune femme. Elle aurait bien aimé qu'il garde ses distances, mais ne savait pas comment le lui faire comprendre.
Par un réflexe de défense de la part de quelqu'un qui n'avait pas les idées claires, elle tapota l'objet de la même manière qu'avant, en espérant qu’un tel geste allait l'arrêter comme il l'avait fait démarrer au départ.

Mais au lieu de s'arrêter comme elle l’espérait, l'anneau se déplaça sur la droite et, sans prévenir, vint se caler contre sa nuque. Elle frissonna alors que l'objet froid s'appuyait contre ses nerfs. Toujours en contact avec sa nuque, il commença à effectuer une succession de montées et de descentes alors que les vrombissements parurent augmenter. Pendant un moment, Morgane eut l'impression qu'il se frottait contre elle. Était-ce un signe d'affection?

-Morgane, c’est toi qui as crié ?

Une voix venait de derrière une paroi proche. En une fraction de seconde, les petits anneaux de métal avaient cessé de vrombir et étaient retournés s’attacher aux membres de Morgane. Mais elle était toujours capable de les bouger normalement. Elle reconnut la voix comme appartenant à Théodore. Petit à petit, il lui sembla qu’elle retrouvait ses esprits, car la pièce devint beaucoup plus nette. Elle ne devait pas mesurer plus d’un mètre cinquante sur deux mètres, et son plafond était relativement bas. Mais elle estimait qu’elle pourrait s’y tenir debout sans difficultés. N’ayant sur le moment aucune raison de le faire, elle resta adossée au mur. La tête lui tournait encore un peu trop pour qu’elle commence à s’inquiéter de quoi que ce soit.

La paroi qui se trouvait en face d’elle s’ouvrit soudain, et derrière se trouvait Théodore. Il était debout, dans une pièce plus grande que la sienne. Le jeune homme s’avança et lui tendit la main. Elle l’attrapa et se laissa tirer vers lui. Ce fut alors qu’il remarqua les anneaux autour de ses poignets.

-Ça vient d’où, ça ?
-Euh…, hésita-t-elle avant de remarquer que les poignets de Théodore étaient dénués de tout accessoire. Je n’en sais rien, ils étaient là quand je me suis réveillée. Comment as-tu réussi à ouvrir la porte ?

Théodore lui désigna une sorte de poignée qui devait être le dispositif d’ouverture. Une commande semblable se trouvait de l’autre côté. Elle décida d’oublier à quel point elle devait être pathétique dans son état, et regarda autour d’elle. L’endroit où ils se trouvaient ne brillait plus d’une lumière rouge psychopathe, mais d’un gris clair convivial qui formait un dégradé sur les parois arrondies. On pouvait constater un semblant d’ameublement en la présence d’une plaque de verre semblable à une table et située dans un des coins, à côté de ce qui semblait être une ouverture sur un couloir. De l’autre côté, elle pu voir deux hamacs circulaires, d’environ deux mètres de diamètre chacun. Dans un autre coin, un espace fermé par des rideaux devait faire office de sanitaires. Il semblait qu’ils aient de quoi vivre assez confortablement. Aussi, Morgane ne comprenait pas pourquoi elle s’était réveillée dans la pièce inconfortable d’où Théodore venait de la tirer.

-Mais à quoi pouvait bien servir une chambre aussi petite ?
-J’imagine que ça doit être une sorte de placard, répondit-il.

Elle rougit à l’idée qu’elle aurait pu aller y dormir de sa propre initiative, alors qu’elle n’avait plus tous ses esprits. A moins que ce soient ces espèces de menottes volantes qui l’y aient déposé. Elle n’aurait su le dire, et préférait ne pas y penser. Son ami, intrigué, commença à examiner les bracelets.

-Ils ont l’air assez lourd. Ça ne te gêne pas dans tes mouvements ?
-Non, ils sont plus légers qu’il n’y paraît. Ils doivent fonctionner d’une manière autre que par le poids.

Elle préféra ne pas avancer l’hypothèse selon laquelle ces bracelets étaient capables de voler et de se frotter contre vous en ronronnant. Elle pu se mettre d’accord avec son subconscient sur le fait qu’une telle chose était impossible, et décida de ne plus y penser. Peut-être même que l’hypothèse était tellement impossible que les bracelets finiraient par disparaître d’eux-mêmes. Après tout, au point où elle en était, elle pouvait se permettre de tout espérer.

-Bon, il y a plus urgent : on est où, là ?

Tandis que le lecteur se sent soulagé qu’un des personnages ait enfin daigné poser cette question pourtant cruciale, Théodore se contente de hausser les épaules

-Je n’en ai aucune idée, mais cet endroit est intéressant.

Ils se sourirent l’un à l’autre. Pour ce couple de pseudo-otages absolument ignorants de ce qui leur arrivait, paniquer n’était ni dans leurs projets, ni dans leurs envies. En général c’est ce qui arrive lorsqu’un groupe de personnes qui auraient décidé de se mettre à l’écart de la société et de ses bêtises, s’en font véritablement isoler contre leur gré. Si en plus de cela on précisait que ces personnes se sentaient folles à lier en temps normal, et qu’elles planaient encore à moitié ce jour-là, on ne s’étonnait plus de les voir rester aussi calmes que si le concierge de leur école avait débarqué dans la chambre pour leur annoncer qu’il leur avait simplement fait une bonne blague.

-Tu as déjà regardé ce qu’il y avait de l’autre côté de la porte ? Fit Morgane en désignant l’entrée, dont le mécanisme d’ouverture était semblable à celui du placard.
-Non, je m’étais réveillé depuis quelques minutes et je pensais le faire quand je t’ai entendu crier.
-Très bien, tu penses qu’on devrait aller voir ?
-Oh, tu sais, rien ne presse. Apparemment ceux qui nous ont mis là ont l’intention de nous y faire vivre un petit moment. Essayons déjà de nous familiariser avec cet endroit.

Elle hocha la tête en signe d’approbation et proposa qu’ils attendent une demi-heure avant de commencer à s’aventurer au dehors. Cela lui laissa le temps de remarquer un robinet à côté des sanitaires. En appuyant sur un bouton qui était installé à côté, elle pu faire s’écouler un mince filet de liquide transparent. La jeune femme décida de ne pas se méfier et commença à en boire à petites gorgées. Elle pu identifier l’absence de goût comme étant typique des molécules d’H2O, et pu calmer légèrement son mal de tête.
Et voici ce qui arrive lorsque deux individus fous à lier se retrouvent dans une situation tout aussi folle à lier : ils se sentent chez eux. Alors que n’importe qui aurait commencé à paniquer, et tenté d’appeler au secours, ils se contentèrent de s’imaginer dans un hôtel quelconque, loin de leurs problèmes quotidiens. De plus, un simple regard à leurs Iphone leur indiqua qu’il n’y avait pas de réseau, donc personne à appeler. Mais pourquoi penser ? Ça n’aurait fait que les inquiéter d’avantage.

Lorsque Morgane eut fini de boire, elle revint calmement vers Théodore, qui lui demanda quelle était la dernière chose dont elle se souvenait. Elle lui raconta comment sa folle course à travers les bois avait fait l’objet de tout un chapitre. A son tour, elle lui demanda de raconter sa propre aventure.

-En fait, comme tout le monde était parti en courant, je me suis dit que j’allais prendre la voiture, m’éloigner le plus possible du lac, et revenir vous chercher ensuite. Seulement j’étais encore dans mon trip depuis dix minutes, je me suis pas concentré et j’ai calé avant d’avoir pu démarrer.

Il s’interrompit en voyant que son interlocutrice essayait de ne pas rire.

-Quoi ? Ça arrive à tout le monde, sous le stress… Enfin bon, la deuxième fois j’ai réussi à démarrer, mais au lieu d’aller vers l’avant comme d’habitude, je me suis élevé dans les airs. Alors je me suis dit « cool ! Ma voiture elle vole ! » En rigolant, puis plus rien… Tu crois qu’on est mort d’une overdose ?
-Ça serait étonnant. Il me semble pas qu’on avait trop forcé sur la poudre, pourtant.
-Alors on aurait pu mourir d’autre chose…

Elle commençait à se poser trop de question. C’était mauvais signe, car cela signifiait qu’elle retrouverait bientôt tous ses esprits. Peut-être même qu’elle commencerait à paniquer sous peu. Ils décidèrent donc qu’il était temps de s’aventurer au dehors.
Théodore pu ouvrir la porte sans problèmes, et lorsqu’ils la franchirent, ce fut pour se retrouver dans un vaste couloir, à peu près de la même couleur que la chambre. Un léger grondement se faisait sentir à travers le plafond. Le long du corridor, il y avait d’autres portes semblables à celle qu’ils venaient de franchir. Peut-être qu’ils n’étaient pas les seuls à s’être fait enlever en ce lieu. Mais toujours aucune fenêtre ne permettait de voir l’extérieur.

Le couloir était parfaitement droit. Des deux côtés, ils pouvaient voir des ouvertures qui n’étaient pas sans rappeler des portes d’ascenseurs. Ne sachant absolument pas où aller, ils décidèrent de se diriger vers la gauche. Une fois arrivés au bout, ils se décidèrent à descendre, et appuyèrent sur le plus bas des deux boutons qui s’offraient à eux, comme ils en avaient l’habitude. Sans surprise, la porte s’ouvrit en coulissant sur la droite sur ce qui ressemblait en tout point à une cabine d’ascenseur. Elle se referma dès qu’ils l’eurent franchie, et commencèrent à se sentir entraînés vers le bas sans avoir rien demandé. Au bout de quelques secondes, ils cessèrent de descendre et la porte se rouvrit, sur un couloir encore plus vaste que celui qu’ils avaient quitté, concave et au sol transparent. Le plafond était éclairé par un néon, mais ce n’était rien à côté de l’intense lueur qui provenait du sol vitré. Morgane eut un frisson alors que les basses de son Iphone commençaient à résonner dans ses écouteurs. Elle examina la surface blanche et brillante qui s’affichait sous leurs yeux.

-Ce serait pas la lune, ça ?
-Euh… ça me fait mal de l’admettre, mais oui…

Elle se mit à genoux, posa ses mains sur le sol, et, les yeux écarquillés, contempla la vue époustouflante qu’elle avait sur le désert le plus sec du système solaire. Ses cratères majestueux se profilaient jusqu’à la ligne arrondie de l’horizon.

-Bonjour, fit une voix inconnue derrière eux.

[Je dois dire que l'impro me réussi mieux que les histoires planifiées à l'avance. Je commence même à avoir une idée de ce dont cette fic va parler. C'est dire! Bon, j'essayerai de vous mettre la suite sans trop tarder. C'est que l'inspiration est au rendez-vous^^]
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Ned Green

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MessageSujet: Re: Venus d'ailleurs   Venus d'ailleurs EmptyMar 8 Juin - 2:03

3. Folie transparente

Lorsqu'ils entendirent que quelqu'un les saluait, Théodore et Morgane se retournèrent d'un même mouvement. C'était un brusque retour à la réalité. En fait non, ils étaient toujours debout dans ce couloir au sol transparent, et pouvaient toujours remarquer le paysage lunaire qui s'étendait sous leurs pieds. Mais entendre quelqu'un les saluer avait brusquement interrompu leur contemplation. Peut-être ce quelqu'un allait-il leur expliquer la situation, combien de temps ils allaient encore planer, et avant tout, s'il y avait quoi que ce soit à manger dans les parages.

-Bonsoir, euh... bonjour à v... Ah trop tard, il est parti. Théodore interrompit son mouvement de salutation

La porte de l'ascenseur venait de se refermer, et la personne était à l'intérieur. Ils toisèrent la porte en question d'un air béat, comme si à tout moment un acteur risquait d'en sortir en criant « surprise! » avant de leur révéler l'emplacement de la caméra cachée. Contre toute attente, rien ne vint.

-Je pense qu'il voulait simplement nous dire bonjour. Fit Morgane.
-Oui, c'est bien ce qu'il a fait.
-Il faudrait qu'on avance.

Il acquiesça, et ils s'aventurèrent dans le couloir. Le sol donnait l'impression de devenir sans cesse de plus en plus raide, alors qu'ils restaient constamment à l'horizontale. Théodore en déduit que le chemin était en réalité un anneau qui tournait sur lui-même pour leur créer une gravité artificielle, comme dans ce Fameux long métrage à la fin duquel l'ordinateur de bord devient paranoïaque et va jusqu'à saboter la mission.
A mesure qu'ils marchaient, tout ce qu'ils voyaient était le sol transparent, et les murs que des portes d'ascenseur ornaient à intervalle régulier. Plus ils marchaient, plus ils se rendaient compte à quel point il leur serait difficile de retrouver la porte par où ils étaient venus. Elles se ressemblaient toutes. Théodore avait commencé à compter le nombre d'ascenseurs qu'ils croisaient, et Morgane se dit qu'ils auraient l'air malin lorsqu'ils auraient fait un tour complet sans s'en rendre compte, et seraient obligés de revenir sur leurs pas en parcourant la même distance, tout en tâchant de s'assurer qu'ils ne feraient pas d'erreurs dans leur décompte.

-Si on est vraiment dans un anneau, proposa Théodore, tous ces ascenseurs devraient converger quelque part autour de son centre. Ça sera sûrement plus rapide de compter les portes puisqu'elles seront plus proches les unes des autres. Et là-haut, peut-être même qu'on croisera quelqu'un.

En effet, ils n'avaient croisé personne jusqu'à présent. Hormis la voix qui leur avait chaleureusement dit bonjour avant de les laisser en plan, ils étaient toujours restés seuls. Après avoir compté dix-sept portes sans rien trouver d'intéressant, Morgane proposa qu'ils reprennent un ascenseur et se dirigent vers le centre de l'anneau. Il fallait bien le reconnaître: ils perdaient leur temps ici. Tout se confondait. Il y avait bien des symboles indicateurs de temps en temps, mais aucun des deux ne comprenait leur signification. Ils décidèrent d'aller voir plus près du centre de l'anneau.

Alors, en baissant les yeux au sol, ils remarquèrent, au-dessus de l'horizon lunaire, une sphère bleue de la taille d'un ballon de foot. C'était leur maison. Ils ne purent plus détacher leur regard du reflet des océans. De là où ils se trouvaient, des taches lumineuses se laissaient gentiment apparaître sur les continents aux endroits où la nuit commençait à tomber. Il se passait tellement de choses là-bas: des problèmes, des solutions, de la joie, de la douleur. Ils avaient sous les yeux le quotidien de milliards d'êtres vivants, mais tout leur semblait si tranquille. Vu d'ici, le monde leur semblait ne former qu'une lointaine boule disco, dans une boîte de nuit animée par un DJ comateux sous méthadone.

-Alors ça! On peut dire que ça vaut le coup d'œil!

Il n'y avait pas à en douter, quelle que soit la raison de leur présence en ce lieu, ils avaient eu pas mal de chance jusque là. Le seul problème était qu'ils commençaient à avoir faim. Ils décidèrent donc qu’il était temps pour eux de regagner la chambre d’où ils étaient venus, puisque visiblement ils ne pourraient pas rentrer chez eux par leurs propres moyens. Depuis leur chambre, ils pourraient repartir en expédition ailleurs pour voir s'ils trouvaient de quoi se sustenter. Théodore commença à compter les portes d'ascenseurs alors qu'ils retournaient sur leurs pas. Ce fut à ce moment-là que Morgane sentit une légère tension au niveau de ses poignets. Les bracelets qui y étaient encore attachés semblèrent la tirer vers l'avant. Ceux situés sur ses chevilles devaient faire de même, car elle se sentit forcée de courir. Elle dépassa Théodore, qui, après avoir admiré la Terre sous cet angle, avait déjà du mal à se concentrer sur ses comptes.

-Pourquoi tu cours?

La réponse « ce sont les bracelets qui m'entraînent! » frôla les lèvres de la jeune femme, mais elle se souvint qu'une telle chose était impossible, et se contenta donc de répondre en improvisant: « Je crois savoir par où nous devons aller. »
Théodore pesa le pour et le contre: d'un côté il pouvait continuer à procéder méthodiquement comme il l'avait fait jusqu'à présent, mais comme Morgane semblait décidée à ne pas s'arrêter, il n'avait pas envie d'en être séparé et de se retrouver seul comme un abruti. Il considéra alors la question d'abandonner son plan consistant à compter les portes. De toute façon, il hésitait déjà entre treize et quatorze, ce qui n'encourageait pas vraiment la première option. N'en voyant pas d'autres, il se résigna à emboîter le pas de son amie.

Ils parcoururent le couloir en sens inverse. Après deux minutes, Morgane s'était immobilisée devant une des portes. Ayant récupéré l’usage de ses membres, optimiste, elle pensa qu’on lui avait indiqué la direction de leur chambre. N’ayant rien à perdre, elle appuya sur le bouton et la porte s’ouvrit. Théodore eut un raisonnement semblable et décida de ne pas lui poser de question quant à son comportement apparemment hasardeux.
Après ce qui fut le périple sans intérêt de deux jeunes gens prenant l’ascenseur (ascenseur qui, de toute façon, ne leur demandait pas leur avis quant à leur destination), ils étaient de retour dans le couloir en ligne droite sur lequel devait donner leur chambre. Seulement, il pouvait y avoir des dizaines de couloirs comme celui-ci, en tout point semblables les uns aux autres.

-Si je me souviens bien, notre chambre était la deuxième porte sur la droite.

Ils franchirent le passage et se retrouvèrent dans une pièce absolument identique à celle d’où ils étaient partis, sans savoir s’il s’agissait bien de la même. Pour se libérer de ses doutes, Morgane marcha d’un pas décidé jusqu’au placard où elle s’était réveillée. Elle en ouvrit la porte et en examina l’intérieur.

-C’est officiel, je reconnaîtrais ce placard entre mille.
-Tu en es sûre ? Demanda Théodore, qui restait sceptique devant une méthode de vérification aussi hasardeuse. D’autant qu’elle n’avait pas toutes ses idées en place au moment où elle avait examiné ledit placard.
-Absolument certaine. Mais il faudrait qu’on laisse quelques-unes de nos affaires ici à l’avenir, pour être sûrs de ne pas commettre d’erreurs.

Le jeune homme ne l’avait pas écoutée. Son attention s’était fixée sur l’espèce de table située à côté de l’entrée, deux plateaux avaient été posés durant leur absence. Et les deux rouleaux de pâte colorée distinctement visibles sur chacun d’eux avaient l’air tout à fait comestible. La présence d’un pot rempli de ce qui ressemblait à de l’eau et de deux gobelets les confortèrent dans l’idée qu’on leur avait donné un repas.

Restant toutefois méfiant, Théodore s’assit et entreprit d’examiner les deux rouleaux qui s’offraient à sa vue. Il ne doutait pas que c’était mangeable, mais il se demandait avec quelle matière on avait bien pu les préparer. Finalement, il fut convaincu de goûter, principalement à cause des bruits peu engageants qu’il identifia comme un SOS en provenance de son estomac. Il n’aurait jamais cru cela possible : il avait plus faim encore qu’après un cours d’algèbre linéaire. Une seconde raison qui le poussa à attaquer sans méfiance son étrange repas, c’était que Morgane en avait déjà terminé avec son premier rouleau, et attaquait le deuxième. Il décida de ne plus se poser de questions et d’y aller franchement. Le premier rouleau lui fit l’effet d’un plat de boulettes de viandes, tandis que le second lui donna l’impression d’un bouillon de légumes. C’était plus nourrissant qu’il n’y paraissait, et, dans la mesure où ils devaient ne pas avoir mangé depuis un certain temps, ils s’étaient rarement sentis aussi soulagés.

Une fois leurs plateaux terminés, ils restèrent assis un bon quart d’heure avant de remarquer qu’ils n’avaient rien à faire. Pour tuer l’ennui, ils auraient pu repartir en balade, mais mieux valait-ils qu’ils se familiarisent d’abord avec leur nouveau territoire, puisqu’ils étaient apparemment destinés à y rester un bout de temps. Seulement, pour cela, il leur faudrait quelque chose à faire.

Ce fut alors que Théodore remarqua ce qui ressemblait à un bloc de papier orné d’un stylo, juste derrière les plateaux. Il se saisit des deux objets, alla s’asseoir sur un des deux hamacs circulaires, posa le papier sur ses genoux, et le stylo contre ses lèvres tandis qu’il toisait Morgane.

-Tu as l’intention de me dessiner ? Demanda-t-elle, intriguée par son attitude.
-Oh non, je ne sais pas dessiner, mais quitte à écrire quelque chose, autant trouver un bon moyen de noter ce qui nous arrive. Voyons… je commencerais par décrire tout ceci comme un rêve. C’est la meilleure image qui me vienne à l’esprit. Tu en aurais une autre à proposer ?

Il leva la tête de sa feuille, pour constater que l’expression sur le visage de Morgane avait gagné en gravité.

-Mais… c’est bien un rêve. C’est la seule explication. Je suis encore en train de dormir, et nos conversations ont prit une tournure tellement extraterrestre que je rêve que je suis sur la lune avec toi.

Elle forçait un sourire. Théodore su que c’était pour s’en convaincre elle-même. A vrai dire, lui aussi était plus ou moins convaincu qu’il rêvait, mais il ne pouvait se résoudre à cette idée. Tout ceci était bien trop… beau. Il fallait juste que Morgane -qu’elle soit réelle ou non- garde son sang froid pour éviter de faire naître des tensions entre eux.

-Bon, admettons que tu sois effectivement en train de rêver. Tu te réveilleras et tout redeviendra normal. Il n’y a pas de quoi s’inquiéter.
-Mais je ne m’inquiète pas, répondit-elle nerveusement.
-Très bien, asseyons-nous et on se relaxe. Profite du temps qu’il te reste avant de te réveiller.

Se réveiller, elle ne semblait pas pressée de le faire. Lui non plus d’ailleurs. Aussi s’assirent-ils comme ils auraient attendu un train après une longue journée d’école.

-Tu sais, tout ça me rappelle une pièce de théâtre que j’avais lue une fois.
-Ah oui ? Qu’est-ce qu’il s’y passe ?
-C’est un homme et une femme qui se font enlever par des extraterrestres et se réveillent dans une cage à hamster ; moins joyeux qu’ici.
-Donc ça aurait pu être pire, c’est déjà ça. Et comment ça se termine ? Ils rentrent chez eux ?

Cette comparaison parut intéresser la jeune femme. En vérité, elle commençait surtout à envisager les différentes façons dont tout ceci pourrait finir, en se basant sur une histoire déjà écrite.

-Non… A la fin, ils partent faire l’amour dans leur abri.

Morgane eut un mouvement de recul et de dégoût. La situation lui apparut alors sous un autre angle, peut-être encore plus inquiétant que tout ce qui avait pu précéder : non seulement elle était seule, loin de sa famille, dans un endroit dont elle ne savait absolument rien, mais en plus fallait-il qu’elle se retrouve avec ce type qu’elle connaissait à peine. Théodore, vingt-et-un ans, appartenant à la gent masculine. Ces deux qualifications suffisaient à résumer la précarité de sa situation. Qu’était-il capable de lui faire ? Non, il n’oserait tout de même pas, pas ici.

Ils ignoraient qui les voyait, et quelles étaient les limites de leurs actions... Mais une petite minute. Peut-être que Théodore Les connaissait, et qu’Ils étaient ses complices. Tout ceci aurait pu être un plan, ourdi dans le seul but qu’un jeune homme à l’esprit dérangé puisse profiter d’elle. Le simple fait qu’il ait mentionné le fait de faire l’amour sous-entendait qu’il y pensait. A partir de ce moment-là, impossible de lui faire confiance.
S’il tentait quoi que ce soit contre elle, elle n’aurait personne pour l’aider à se défendre. Pire encore : ses poignets, bien que libres de leurs mouvements, étaient encore cerclés de métal. Elle se sentait si gênée qu’elle aurait pu en pleurer si elle n’avait pas eu un minimum de maîtrise de soi.

Théodore, de son côté, ne comprit pas la réaction de Morgane et choisit de ne pas essayer de l’interpréter. C’est vrai, quoi, chacun est libre de réagir comme il le veut. Seulement, en remarquant l’expression horrifiée de son amie, il se résolut à y prêter attention.

-Qu’est-ce qu’il y a ? J’ai dit quelque chose de mal ?

Devant sa situation, Morgane choisit la solution dite de « défense explicite ». Elle avait même déjà commencé à imaginer un mur qui séparerait la chambre en deux.

-Autant t’avertir tout de suite. Si tu t’imagines que tu as la moindre chance de coucher avec moi dans cette chambre, oublie cette idée tout de suite.

Le jeune homme haussa un sourcil en entendant cette affirmation pleine de fermeté et de détermination. Puis il sourit et du retenir un ricanement. Cela eut pour effet de faire perdre à Morgane le peu de confiance en soi qu’elle s’était efforcée de garder.

-Tu penses vraiment qu’une telle chose risque d’arriver ? Aucune chance que j’ai envie de faire quoi que ce soit de sexuel avec toi.
-Quoi ? Mais… Pourquoi ?

Malgré ses efforts, elle ne trouva rien à dire de plus constructif. Était-elle laide au point que même un homme qui n’avait pas d’autre choix ne voulait pas d’elle ? C’était peut-être à cause de sa petite taille. A moins que sa poitrine ne soit pas assez proéminente… Ces hypothèses étaient inquiétantes, mais aucune ne la convainquait. Il lui semblait pourtant qu’avant que tout ceci n’arrive, lorsqu’ils étaient encore au bord du lac, c’était lui le premier à la draguer. Elle sentit que l’explication n’allait pas tarder à arriver, car Théodore paraissait tout aussi mal à l’aise qu’elle.

-En fait… J’aime les hommes.

C’était comme si un coup de tonnerre avait traversé la pièce, pour ponctuer l’aspect dramatique de cette déclaration. Morgane eut un mouvement de tête sur le côté, toussa et manqua de s’étouffer. Elle se reprit au bout de quelques secondes, mais ne pouvait s’empêcher de trembler légèrement, encore sous le choc.

-Mais pourtant, au lac, tu ne me lâchais pas d’une semelle.
-Oui… En fait, c’était pour éviter que les trois animaux de service ne se doutent de quelque chose. Et je pensais qu’on ne se reverrait plus après cette soirée, et que ça n’aurait pas de conséquences. C’est la vérité, ça l’a toujours été, et on n’y peut rien.

A la lecture de cette nouvelle, l’interlocuteur se tourne vers l’auteur, incrédule, et lui demande ce que c’est que ÇA, à part un record de deux mille quatre cent soixante-sept fantasmes littéraires démolis en moins de cinq secondes à coups de marteau-piqueur. Inquiet de la tournure que prennent les événements, l’auteur rétorque que c’était le seul moyen d’éviter de tomber dans une romance niaise dégoulinant de rose bonbon. Souvenez-vous donc du Fameux livre (celui avec les vampires) et de sa réputation, y a-t-il besoin d’en dire plus ?
Mais sous l’effet de la colère, l’interlocuteur a déjà sorti une arme et lui tire une balle dans la poitrine. Heureusement, l’auteur prévoyant avait prit soin de revêtir un gilet pare-balle. Ainsi, l’histoire pu reprendre là où elle en était restée.

-Ah oui, merci pour la nouvelle ! Morgane n’était plus inquiète, mais furieuse qu’il lui ait caché ce détail depuis leur rencontre, quelques heures plus tôt. Cela aurait lui aurait épargné pas mal d'inquiétudes. Voilà que je vais peut-être devoir passer le restant de mes jours ici, toujours en compagnie du même homme, avec lequel aucune relation ne sera jamais possible. Mais comment ai-je fait pour avoir autant de malchance ?

Elle s’était exprimée par grognements plutôt qu’avec des mots, ce qui rendit ses paroles difficiles à comprendre pour Théodore. Mais il avait déjà tellement de peine à comprendre sa manière de penser qu’il préféra abandonner, et la laisser se calmer. De désespoir, elle s’allongea sans dire un mot. Le jeune homme fit de même. Bien lui en prit, car ils se sentirent soudain doucement attirés vers le fond de la pièce alors qu’un second coup de tonnerre ébranlait les murs.

-On dirait qu’on bouge. Ça aurait été gentil de nous avertir…

A ce moment-là, la porte de leur chambre s’ouvrit.

[Voilà qui clôt le troisième chapitre. Comme vous avez pu le constater: quelques références, ça décrit, ça pense, et un peu plus d'action que dans le second chapitre. En principe il devrait y en avoir de plus en plus par la suite.]
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